Le Sentier zone de non droit au coeur de Paris

« Deux réseaux de fausses factures liés à des ateliers de confection sont démantelés fin novembre 1988. La fraude, via des sociétés écrans (dites taxis), porte sur plus d’un milliard de francs. Les sociétés « taxis » sont au coeur du système né dans le sentier, puis étendu aux arrondissements extérieurs. Certains économistes le présentent comme un modèle de réussite. Mis en concurrence, les patrons de petits ateliers de confection doivent s’affranchir du Code du Travail au profit de donneurs d’ordre (les grandes marques). La totalité ou une partie du personnel de l’atelier n’est pas déclarée. Les immigrés en situation irrégulière, particulièrement recherchés, acceptent des salaires ridiculement bas et n’osent pas se plaindre. Les syndicalistes sont indésirables. Plutôt qu’une importation de la production de pays pauvres et lointains, le Sentier créé une délocalisation sur place. Outre la fraude fiscale et celles sur les charges sociales, l’activité des ateliers se prête au blanchiment d’argent. » Ces faits sont décrits dans le livre de Serge Garde, Valérie Mauro et Rémi Gardebled « Guide du Paris des faits divers », éditions Le cherche midi.

En 2011, je me pose la question : Qu’est-ce qui a changé?

Le Sentier reste une zone de non droit où la loi ne s’applique pas. Chaque jour, rue Saint Denis des gens de passage, acheteurs étrangers de vêtements, et touristes se font plumer dans des jeux d’argent organisés en pleine rue. La prostitution, le proxénétisme et les trafics en tous genres sont omniprésents. Des ouvriers immigrés travaillent dans des caves. Des ateliers fonctionnent 7 jours sur 7, de tôt le matin jusqu’à 22 heures : il suffit de se promener un dimanche rue d’Aboukir en soirée pour entendre les machines à coudre et fer à repasser fonctionner. Un ancien collègue journaliste m’a même raconté avoir vu organisées des enchères inversées place du Caire : des patrons demandant aux travailleurs à quel prix ils voulaient travailler et attendant que les enchères baissent. Des appartements d’habitation sont utilisés comme entrepôts sans aucun système de sécurité. Conséquence : chaque année des immeubles d’habitation brûlent. Pourquoi accepte-t-on des activités industrielles dans des appartements? Beaucoup d’immeubles sont insalubres. Certains n’ont visiblement pas été ravalés depuis 20, 30, 40 ans ou plus. Des boutiques installent, au mépris des habitants, des pompes à chaleurs et autres systèmes de climatisation produisant des nuisances sonores insupportables dans les minuscules cours des immeubles. Des véhicules circulent en sens interdit, les motos roulent sur les trottoirs…. La liste est longue.

Pourquoi laisse-t-on faire ? Par exemple, pourquoi la Police n’intervient pas pour mettre un terme aux jeux d’argent qui se tiennent sur le trottoir rue Saint Denis ? Le travail le dimanche est interdit en France sauf dérogation, pourquoi l’inspection du Travail ne visite pas les ateliers le dimanche ? Comment se fait-il qu’on laisse des façades non ravalées depuis des dizaines d’années ? Tout cela se voit de la rue… Avec la longue liste des incendies des 10 dernières années pourquoi aucune mesure n’a été prise pour interdire d’entreposer des cartons dans des appartements ou imposer des systèmes de sécurité efficaces ? La loi prévoit que le bruit émis par des machines appartenant à des entreprises, mesuré chez les habitants, ne doit pas dépasser une émergence de 5 dB de jour. Or un climatiseur émet de 50 à 80 dB pourquoi ne pas les interdire tout simplement dans les cours d’immeuble?