Les musées célèbrent les 150 ans de l’impressionnisme
Le mot impressionniste apparaît lors d’une exposition en 1874 pour qualifier des tableaux jugés inachevés. Les artistes de ce mouvement, qui existait déjà depuis quelques années, s’affirment comme libres de peindre comme ils l’entendent. Ils vont révolutionner le monde l’art, ouvrir la voie aux avant-gardes du XXe siècle.
L’impressionnisme : Des peintures captant l’instant présent, à la touche enlevée et la palette lumineuse avec la volonté de refléter la réalité. En France, à Rome et Washington, 34 expositions célèbrent ses 150 ans grâce aux prêts du Musée d’Orsay. Mais que s’est-il donc exactement passé en 1874 ?
Cette année est celle de la présentation à Paris du 15 avril au 15 mai de la « Société anonyme coopérative des artistes peintres, sculpteurs et graveurs », un groupe hétéroclite de 31 artistes. Il compte parmi ses membres Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Berthe Morisot, Alfred Sisley, Camille Pissarro, Edgar Degas et Paul Cézanne. A l’époque le Salon est le lieu d’exposition officiel où les 3657 œuvres exposées sont sélectionnées par un jury. En refusant certains artistes il brise des carrières. Cette idée d’exposition collective est en germe chez ces peintres depuis que leurs œuvres ont toutes été refusées en 1867. Degas relance l’idée en 1874.
Certains des peintres impressionnistes avaient néanmoins été acceptés plusieurs fois par le jury du Salon comme Bazille, Sisley, Monet, Morisot, Pissarro. Mais aussi Manet. Un certain Emile Zola, 26 ans, alors journaliste, défend leurs tableaux dans son journal L’événement en 1866.
Si ces peintres sont tous refusés en 1867, c’est qu’ils s’affranchissent des codes de la peinture classique et se rebellent contre l’académisme étouffant, cette peinture bourgeoise avec ses portraits solennels, ses scènes historiques ou mythologiques. Les impressionnistes veulent raconter le réel dans tous ses aspects et non pas le sublimer.
L’invention du mot impressionnisme
Claude Monet (1840-1926). Impression, Soleil Levant 1872. Peinture à l'huile sur toile 50 x 65 cm. Paris, Musée Marmottan Monet. Don Eugène et Victorine Donop de Monchy (donateurs), 1940 4014. © musée Marmottan Monet, Paris / Studio Baraja SLB.
Le mot « impressionniste » apparait pour la première dans un journal : Le Charivari. Un journaliste qualifie certains artistes d’impressionnistes s’inspirant du titre du tableau de Monet Impression soleil levant. Il se moque de peintures jugées hâtives et superficielles. Les auteurs du catalogue de l’exposition « Paris 1874. Inventer l’impressionnisme » relèvent que « L’exposition a eu de fait une fonction performative : elle « invente » l’impressionnisme au sens que revêt le terme en histoire de l’art, c’est-à-dire qu’elle le reconnaît et le fait exister. C’est alors en effet qu’est identifié par une partie des critiques et des visiteurs un noyau d’artistes novateurs ». De son coté, Degas, qualifiait leur mouvement artistique de « réaliste ».
Cette exposition mythique de 1874 interprétée comme l’acte de naissance de l’impressionnisme apparaît aujourd’hui comme le coup d’envoi des avant-gardes. Pourtant les impressionnistes y étaient minoritaires puisqu’ils n’étaient que huit.
Bazille, Monet, Sisley, Renoir
Ils se connaissent bien. Quatre d’entre eux se rencontrent dans l’atelier de Charles Gleyre en 1862. Une amitié nait entre eux. Ils peignent ensemble. Notamment à Fontainebleau. Claude Monet, Alfred Sisley, un jeune britannique vivant en France issu d’une famille aisée, Pierre-Auguste Renoir et Frédéric Bazille, peut-être le plus doué d’entre tous.
Pourtant son nom est moins connu. Sa famille exige de lui qu’il entame des études de médecine. Mais sa passion est la peinture. Il peint sa famille, des paysages et… des nus masculins, qui font l’originalité et la modernité de son œuvre avec parfois un réalisme tel que certaines de ses toiles s’approchent de la photographie comme Le pêcheur à l’épervier. Le 19 juillet 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Frédéric Bazille s’engage. Son destin est fauché : il meurt au combat, le 28 novembre 1870 à l’âge de 27 ans. Issu d’une famille aisée, il joue un rôle essentiel permettant à Sisley et Renoir, qu’il héberge, de peindre dans son atelier. Il achète des toiles à Monet pour l’aider financièrement et l’héberge plus tard également. Pour lui rendre hommage ses amis exposent certaines des œuvres en 1874.
Frédéric Bazille. Forêt de Fontainebleau, 1865. Huile sur toile. H. 60,0 ; L. 73,2 cm. Musée d'Orsay. Don Mme Fantin-Latour, 1905. © Photo : Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.
Ces peintres peignent ce qu’ils voient, la vérité de la nature. Grâce au chemin de fer, ils sortent facilement de leur atelier pour peindre directement sur le motif et rendre les jeux naturels de lumière, les effets, variations de couleurs en fonction de la lumière.
Le groupe des Batignolles, peintres réalistes
Ils posent parfois leurs chevalets cote à cote pour peindre les mêmes paysages. Ce sont les années clés où émerge ce « style », entre guillemets, car il regroupe des personnalités différentes et des recherches picturales très différentes ». Des sujets communs, une technique assez collective qui vient de cette envie de peindre en plein air, de peindre la lumière telle qu’ils la voient, telle qu’ils la ressentent. Ensuite chacun prend des directions différentes et des styles individuels.
Autour de Manet, un autre groupe se forme avec Degas, fils de banquier, qui cherche à refléter l’âme de ses contemporains et Berthe Morizot. Ils ont en commun un souci extrême de la vérité et de la justesse. La volonté de s’approcher au plus près de ce que l’œil perçoit. L’ambition de faire vrai.
Auguste Renoir. Bal du moulin de la Galette 1876. Huile sur toile. 131,5 x 176,5 cm. Paris, Musée d'Orsay. © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Les deux groupes se rejoignent, on l’appelle le groupe des Batignolles. Il agrège Pissarro, Cézanne et Zola. Certains représentent surtout la « vie moderne » comme Degas, Renoir et Morisot. Ils peignent la révolution industrielle, période de bouleversements technologiques, économiques et sociologiques. Ils observent Paris. Les transformations d’Haussmann. Degas peint des danseuses, la vie de l’Opéra. Renoir la figure humaine, notamment le corps de la femme. Monet, Pissarro, Cézanne et Sisley s’intéressent davantage au paysage.
Edgar Degas (1834–1917). Classe de danse. Vers 1870. Huile sur bois. 19,7 x 27 cm. New-York, The Metropolitan Museum of Art, H. O. Havemeyer Collection, Bequest of Mrs. H. O. Havemeyer, 1929, 29.100.184. Image Courtesy of the Metropolitan Museum of Art
Vers l’abstraction
Les styles de chacun s’affirment ainsi que leurs sujets de prédiction. Monet réalise des séries. Puis il se dirige vers des motifs et sujets de plus en plus restreints. A partir des années 1900 le bassin de son jardin l’occupe quasi exclusivement. C’est une immersion, autant qu’une restriction du nombre de motifs, un travail magistral sur la couleur et de dissolution du motif. Donc une forme d’abstraction. Il se libère de toute reproduction trop mimétique de la nature pour exprimer sa sensibilité. Par exemple Saule pleureur (1920 – 1922) est presque abstrait.
Claude Monet. Saule pleureur, entre 1920 et 1922. Huile sur toile. H. 110,0 ; L. 100,0 cm. Musée d'Orsay. Donation sous réserve d'usufruit Philippe Meyer, 2000. © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Michèle Bellot.
Paul Durant Ruel a une importance majeure. Ce grand marchand d’art leur achète des toiles. C’est le premier galeriste à s’intéresser aux œuvres des impressionnistes et à diffuser leurs œuvres. Grace à lui, ce sont les premières rentrées d’argent pour ces peintres qui sont certaines années dans le dénuement comme Claude Monet. Chaque peinture vendue permet d’acheter de quoi peindre et de persévérer. Il diffuse au delà des frontières de la France en Europe et aux Etats-Unis.
L’impressionnisme est l’une des premières avant-gardes. L’artiste s’affirme en tant qu’individu libre de représenter un motif tel qu’il l’entend et non pas tel qu’on le représente de manière conventionnelle et habituelle. Ce mouvement ouvre la voie à d’autres audaces picturales.
Avec près de 500 œuvres, dont sept peintures montrées en 1874, le musée d’Orsay possède la plus riche collection impressionniste au monde. Son exposition « Paris 1874. Inventer l’impressionnisme » en montre 130, qui seront ensuite exposées à la National Gallery of Art à Washington, dont Impression soleil levant.
Le musée d’Orsay prête aussi 178 œuvres à 34 musées dans 13 régions de France métropolitaine, à la Réunion et à Rome.
Parmi les 34 expositions :
- Paris 1874. Inventer l’impressionnisme au Musée d’Orsay jusqu’au 14 juillet
- Peindre la nature. Paysages impressionnistes du musée d’Orsay au MUba Eugène Leroy à Tourcoing jusqu’au 24 juin
- L’Impressionnisme et la mer au musée des impressionnismes à Giverny jusqu’au 30 juin.
Photo de Une : Claude Monet. Meules, fin de l'été, 1891. Huile sur toile. H. 60,5 ; L. 100,8 cm. Musée d'Orsay. Achat sur les fonds d'une donation anonyme canadienne, 1975. © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
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