Souvenirs d’enfance de Catherine Laborde

Dans cette interview, l’écrivaine, comédienne et présentatrice de la météo sur nous confie ses souvenirs et notamment sa relation avec sa mère.

Pour lui rendre hommage, je reproduis une interview de Catherine Laborde qui vient de décéder. Elle a été réalisée le 6 avril 2016 à son domicile, en compagnie de son chat. Elle venait de publier un roman dont le titre a deux significations opposées : « Les chagrins ont la vie dure ». L’histoire de la rencontre entre un petit garçon et une femme d’âge mûr. Je garde le souvenir d’une femme extrêmement sensible. Nous avions eu une très forte connexion empathique. A tel point que le lendemain, elle m’avait rappelé… pour me dire qu’une autre interview d’elle venait de paraître. Ses propos au sujet de sa soeur avaient été déformés. Elle avait l’air d’avoir besoin d’être réconfortée. « Cette interview n’était pas du tout bienveillante comme avec vous ».

D’où vient cette idée de rencontre intergénérationnelle dans votre nouveau livre « Les chagrins ont la vie dure » ?

J’avais envie d’écrire sur mon enfance, à Bordeaux. Je pense que tous les gens qui écrivent puisent dans leur enfance ce qui pourra faire un livre. Mais je ne voulais pas me faire engloutir par ce passé, alors j’ai créé ce petit personnage de Paul. D’emblée, il a pris de l’importance et la relation s’est faite entre lui et cette femme d’âge mûr qui se rencontrent dans un train en direction de Bordeaux.

Quel genre de parents étaient vos parents ?

Ça tombe bien que vous m’interviewez pour la fête des mères car je crois que mon énergie pour écrire vient de maman. J’ai eu avec elle une relation extrêmement privilégiée et forte d’où j’ai puisé de quoi écrire mes livres. Elle me disait : « Personne ne t’aimera autant que moi ». Elle tenait beaucoup à ce que ses filles soient autonomes et indépendantes. L’écrivaine Zeruya Shalev a dit dans une interview qu’elle a passé son enfance à consoler sa mère et c’est exactement ce qui s’est passé pour moi. Je suis née dans les années 50 et je porte, comme tous les enfants du babyboom je pense, le poids et le silence de la guerre qui a précédé, dont mes parents ne parlaient jamais. Le seul signe du malheur qu’ils avaient pu vivre, c’est qu’en réaction, ils ont tout fait pour leurs trois filles : les cours de danse, de piano, les voyages en Angleterre, rien n’était trop beau. Donc je suis très honorée de fêter la fête des mères avec vous car c’est la fête de ma mère et aussi ma fête puisque j’ai 2 filles merveilleuses.

Avez-vous des souvenirs d’enfance liés à la fête des mères ?

Un souvenir très précis : j’avais repéré dans un magasin, une poupée décorative avec une belle robe espagnole gitane, rouge à pois blancs. Ma mère était couturière, d’origine espagnole. J’ai économisé pour acheter cette poupée. Quand elle a ouvert le paquet, elle m’a dit : « Mais pourquoi tu m’as acheté ça ? ». J’ai compris que j’avais fait fausse route et j’ai beaucoup pleuré.

Quelles valeurs leur avez-vous transmis à vos filles ?

Humanisme et respect. Le fait qu’il n’y a que le travail qui paie, pour quelqu’un d’aussi paresseux que moi c’était dur. « Garde toi, tant que tu vivras, de juger les gens sur la mine » (La Fontaine). Et quelque chose qui vient de mes parents : les livres sont essentiels à nos vies. Il y en a toujours eu beaucoup à la maison. Nous vivons dans un monde chaotique et terrible qui conduit à la peur, je pense que le rôle des mères est déterminant pour que le monde aille mieux, pour cela, il faut que les femmes soient libres et indépendantes, qu’elles aient accès au plus de connaissances possible. C’est le plus beau cadeau qu’une mère puisse faire à son enfant.

Quel genre de cadeau de fête des mères vous fait plaisir ?

Qu’on y pense. Je sais bien que cette fête a été décidée par Pétain et qu’elle sert à faire marcher le commerce. Mais quand mes filles m’appellent ce jour-là, ça me touche beaucoup.

Photos : Julien Knaub