Nicolas Hulot candidat aux présidentielles
A l’occasion de l’annonce de la candidature à l’élection présidentielle de Nicolas Hulot, je reproduis une interview que j’ai réalisée alors que Ushuaïa fêtait ses 20 ans. TF1 programmait alors son documentaire intitulé « Retour vers la planète des singes ». Rencontre avec un défenseur de la biodiversité.
Propos recueillis par Antoine Bienvenu
D’où est venue l’idée de ce documentaire ?
Nicolas Hulot : Depuis des années des gens alertent l’opinion sur l’extinction des grands singes. Ce n’est qu’une piqûre de rappel. Mais une piqûre d’autant plus nécessaire que leur sort ne fait qu’empirer. Nous sommes au pied du mur. Il y a une vraie urgence.
Vous évoquez l’idée d’un classement au niveau mondial des primates dans le genre « Homo » pour les préserver. Pourquoi est-ce si important ?
NH : Ce sont des espèces « clé de voûte ». Si les grands singes venaient à disparaître à l’état sauvage, comme c’est malheureusement « programmé » aujourd’hui, en cascade toute la biodiversité va disparaître. Si la proximité morphologique et génétique que nous avons avec eux n’a pas suffit pour qu’on se mobilise pour les sauver, alors tout ce qui peut paraître plus insignifiant, n’aura aucune chance d’être protégé. C’est le dernier rempart. De plus, ils ont un rôle écologique fondamental et essentiel sur la connaissance de l’homme puisqu’ils nous éclairent sur le parcours de l’homme depuis son origine. Pour les protéger, il faut protéger leur habitat. Si une catégorie de grands singes venait à disparaître, c’est comme si on brûlait 1000 fois la Joconde.
Comment expliquez-vous que les primatologues soient surtout des femmes ?
NH : Beaucoup de primatologues sont effectivement des femmes : Jane Goodall, Diane Fossey, Sabrina Krief, Emmanuelle Grundmann, Claudine André… Je constate que l’écologie se conjugue plus au féminin qu’au masculin. Sans faire d’analyse à 2 francs 6 sous, elles ont probablement un sens de la vie plus aiguë.
Quelles étaient les contraintes les plus fortes lors de ce tournage ?
NH : Pour les chimpanzés, il fallait accéder à l’arbre avant qu’ils arrivent, ce qui nous demandait juste de nous lever très très tôt. Pour éviter de les dissuader de monter, il fallait que nous soyons en position. Pour ce qui est de monter à 50 mètres en haut de l’arbre, au bout de 20 ans d’Ushuaïa, nous savons manier les cordes. Nous savons monter sur un arbre ! Un caméraman monte avec nous et d’autres sont positionnés à distance avec de longues focales dans d’autres arbres. Ces chimpanzés-là sont observés par des scientifiques régulièrement. Ils sont habitués depuis des années à la présence de Sabrina, notamment. Elle représente un élément neutre dans le paysage.
Avez-vous eu peur pendant le tournage ?
NH : Peur, non. Nous avons été prudents, oui. Je ne me suis pas senti une seule fois en situation critique.
Arrive-t-il des « conflits » entre gorilles et gardes forestiers ?
NH : Ça peut arriver, si on les surprend, s’il y a un petit. Mais les gardes savent s’il y a eu une naissance. Ils connaissent les contextes et savent si on peut approcher ou pas. Que nous soyons sur nos gardes, pour justement ne pas les surprendre, ça d’accord. Mais si le gorille avait fait une scène d’intimidation ou une charge, je pense que nous aurions peur. Mais nous n’avons pas été dans cette situation.
Que faut-il faire en cas de charge ?
NH : Il faut baisser les yeux, se replier sur soi-même, émettre des sons gutturaux qui les apaise. Il ne faut surtout pas fuir. Evidemment, ne pas essayer de faire face. La soumission dans la nature est une stratégie très efficace.
Depuis le début d’Ushuaïa la conscience des gens a-t-elle augmenté ?
NH : Oui, c’est certain. La maturité écologique de la société n’a rien à voir avec celle d’il y a 10 ans. Mais conscience ne vaut pas action. Dans les actes, ça ne se traduit pas à la hauteur des enjeux. Seule la réglementation permet des changements rapides.
Comment les populations perçoivent la défense des grands singes ?
NH : Ils n’ont pas les moyens de faire face à la pauvreté, aux difficultés économiques et sanitaires et à la préservation de la biodiversité. Les pays du nord doivent les aider, mais aussi être exemplaires. Comment demander à des pays en difficulté de prendre en charge 50 000 éléphants sauvages ou des tigres quand chez nous, pour 6 ours, c’est « la guerre civile » ?
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