Pour certains hommes, les idées reçues autour de la pénétration anale constituent un frein au dépistage du cancer colorectal. Ce qui met leur santé en danger.
Selon une étude de l’Ifop, à peine un homme sur deux est disposé (51%), à réaliser un dépistage du cancer colorectal par un professionnel de santé en raison de représentations virilistes. La stigmatisation de la pénétration anale masculine est un frein majeur au dépistage. Selon cette étude, 28% pensent que « les rapports anaux sont une pratique réservée aux hommes homosexuels et qu’un « « vrai homme » ne se laisse pas introduire un doigt dans l’anus, même si cela peut lui procurer du plaisir » (24%). (Étude Ifop pour Lelo réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 25 au 27 août 2025 auprès d’un échantillon 2 000 personnes, dont 959 hommes et 1041 femmes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus).
Camille Guerfi, sexologue & ambassadrice France Lelo explique : « Derrière le refus d’un toucher médical, il y a souvent la peur de perdre une forme de contrôle. Or, travailler sur la désinhibition du plaisir anal, c’est aussi travailler sur la santé. Le corps ne ment pas : ce que l’on tait au lit, on le tait aussi dans le cabinet du médecin ».
Selon l’assurance maladie, le cancer colorectal est le troisième cancer le plus fréquent chez les hommes (après le cancer de la prostate et celui du poumon). Chez les personnes ayant des antécédents familiaux de cancer colorectal, un dépistage est à faire tous les 5 ans à partir de 45 ans.
Les plus éduqués ont moins de tabou
Seuls 52% des hommes interrogés déclarent avoir déjà été pénétrés analement. Selon l’étude 46 % des hommes qui ont déjà été pénétré n’ont eu que des partenaires féminins. Ces pénétrations se font de manière digitale (40%), par anulingus (34%) ou l’utilisation de sextoy (14%). Mais de leur coté, seules 30% des femmes déclarent avoir déjà pénétré analement un(e) partenaire, c’est deux fois plus qu’il y a huit ans (16% en 2017). Notons que 51% des hommes les plus religieux et 45% des hommes « d’extrême droite » pensent que « être pénétré quand on est un homme est une atteinte à sa masculinité ».

Or l’expérience de la pénétration anale désacralise cette zone du corps et banalise son exploration médicale expliquent les auteurs de l’étude. « Le refus du dépistage en fonction du degré de féminisme et de progressisme – le taux de disposition au dépistage est fort chez les hommes « très féministes » mais chute drastiquement chez les hommes religieux pratiquants et chez les sympathisants d’extrême droite – montre aussi les effets néfastes qu’une conception essentialiste de la virilité peut avoir sur sa santé. Dans les milieux conservateurs ou misogynes, des formes d’homophobies intériorisées constituent un frein majeur au dépistage colorectal, inconsciemment associé à un geste « homosexuel » ou « féminisant ». Chez les hommes, la pratique de la sexualité anale passive est corrélée positivement avec le niveau de diplôme, le statut socio-professionnel élevé, et surtout le progressisme politique. Les hommes des catégories supérieures, diplômés, urbains et de gauche sont surreprésentés parmi les pratiquants. À l’inverse, les hommes des classes populaires, peu diplômés, ruraux et de droite affichent les taux de pratiques les plus faibles ».
François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop conclut : « La stigmatisation de la passivité anale masculine met en exergue un système de normes de genre qui peut avoir des répercussions concrètes sur la santé des hommes. Car en associant la pénétration anale à une perte de virilité, ces représentations dissuadent aujourd’hui des milliers d’hommes de réaliser des examens médicaux potentiellement salvateurs. En ce mois dédié à la sensibilisation aux cancers masculins, la lutte contre le cancer colorectal passe donc aussi par une déconstruction des représentations homophobes et virilistes entourant ce type de pratiques sexuelles. »
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