Au Louvre-Lens, les habits des artistes racontent l’histoire de l’art

Un atelier aux Batignolles

Du brocart Renaissance aux blouses d’atelier, une exposition inédite explore l’évolution de l’image de l’artiste à travers ses vêtements.

LENS – Jusqu’au 21 juillet 2025, le Louvre-Lens propose une plongée dans l’histoire de l’art par le prisme du vêtement. L’exposition S’habiller en artiste. L’artiste et le vêtement retrace, du XVe au XXe siècle, les façons dont les créateurs se sont représentés – ou ont été représentés – en jouant avec leur apparence. À travers plus de 150 œuvres, autoportraits, tableaux, gravures, photographies et costumes, le musée montre que le vêtement d’artiste révèle aussi bien une époque, une intention artistique, que la place de l’artiste dans la société.

Des saints patrons aux autoportraits en brocart

Dès les premiers autoportraits à la Renaissance, les artistes revendiquent l’évangéliste Luc comme leur saint. Il se parent de rouge, couleur de la médecine et du prestige, car Luc était médecin. Sofonisba Anguissola, pionnière italienne, se met en scène dans un somptueux brocart rouge orné d’or, signe d’une volonté d’élévation sociale.

Constance Mayer, Autoportrait, entre 1795 et 1801, huile sur toile, Boulogne-Billancourt, Bibliothèque Paul-Marmottan_Académie des beaux-arts, Institut de France © Bibliotheque Marmottan, Paris / Bridgeman Images. La peintre s’est représenté en robe fluide et blanche drapée « à la grecque ».

Pour Giorgio Vasari (1511-1574), le vêtement reflète la personnalité de l’artiste et influe sur son succès.

Portrait de Hyacinthe Rigaud (1659-1743)
Hyacinthe Rigaud, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), 1692, huile sur toile, Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © Grand Palais Rmn (Château de Versailles) / Gérard Blot.
Le peintre baroque Hyacinthe Rigaud en tenue dite négligée.

Le costume, miroir du pouvoir et du goût

Sous le règne de Louis XIV, l’habit devient un outil politique : les artistes s’alignent sur les codes dictés par le roi Soleil. Au XVIIIe siècle, l’engouement pour l’Antiquité inspire des portraits néo-classiques aux allures de toges pourpre pour les hommes. Et les femmes des robes fluides et blanches drapées. Puis à la Révolution française le peintre Jacques-Louis David est chargé de dessiner des costumes civiques inspirés de la Rome antique, illustrant une volonté d’égalité républicaine par l’uniforme.

Blouses, noirceur romantique et transgressions vestimentaires

Au XIXe siècle, les Romantiques optent pour le noir, symbole de gravité et de modernité. Les Impressionnistes, comme Manet ou Monet, s’affichent en costumes sobres.

Un atelier aux Batignolles
Henri Fantin-Latour, Un atelier aux Batignolles, 1870, huile sur toile, Paris, Musée d’Orsay © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Benoît Touchard.

Avec : Édouard Manet peignant à ses côtés, assis, Zacharie Astruc ; debout : Otto Scholderer, Auguste Renoir, Émile Zola, Edmond Maître, Frédéric Bazille et Claude Monet.

Toujours au XIXe siècle, de nouveaux vêtements apparaissent dans les portraits au travail des artistes, des blouses de travail, soulignant leur proximité avec le peuple. Rosa Bonheur, pionnière féministe, porte pantalon et blouse, mais avec autorisation préfectorale. Certaines artistes comme George Sand ou Louise Abbéma défient elles aussi les normes genrées avec des habits d’homme.

Identités performées

Au XXe siècle, le vêtement devient terrain d’expérimentation de l’identité. Marcel Duchamp crée Rrose Sélavy, son alter ego féminin, portant robe et bijoux. Andy Warhol se photographie en drag, mêlant humour, féminité glamour et vêtements masculins. L’exposition s’achève sur une réflexion sur les stéréotypes associés aux artistes supposés porter blouse tachée, marinière, col roulé noir.