Artemisia Gentileschi : L’extraordinaire destin d’une artiste surdouée

L’exposition « Artemisia. Héroïne de l’art », au musée Jacquemart-André du 19 mars au 3 août 2025, permet de découvrir cette artiste hors du commun, l’une des grandes figures féminines de l’histoire de l’art, entre beauté et douleur, réalité et puissance créatrice.

Artemisia Gentileschi, Yaël et Siséra, 1620, Huile sur toile, 93 x 128 cm. Crédit :
Photograph Szépművészeti Múzeum/ Museum of Fine Arts, Budapest, 2025

Star de son époque, c’est au 17è siècle l’une des artistes les plus demandées et les mieux payées de son temps. Le musée Jacquemart-André offre une rétrospective inédite du parcours exceptionnel d’Artemisia Gentileschi, une plongée dans l’intensité d’une artiste à la fois libre et visionnaire.

Née à Rome en 1593, Artemisia se distingue dès son plus jeune âge par un talent prodigieux. C’est la fille aînée d’Orazio Gentileschi, grand peintre de la Rome baroque. Alors que les ateliers où les jeunes peintres apprennent leur art sont interdits aux femmes, elle bénéficie de l’enseignement de son père. À 17 ans, elle signe Suzanne et les vieillards, qui représente une scène issue de l’ancien testament, livre de Daniel, chapitre 13, l’agression sexuelle d’une jeune mariée par deux juges âgés. Dans ce tableau elle se représente probablement nue, une démarche inhabituelle. Elle peint un corps réel, loin des idéalisations habituelles de l’époque. Elle s’auto-représente souvent, et souvent totalement nue par exemple dans son portrait de Cléopâtre de la collection Sgarbi. « Montrer son corps à elle, tel qu’il est, est un geste artistique très nouveau », explique Pierre Curie, co-commissaire de l’exposition et conservateur du Musée Jacquemart-André.

Gentileschi, Artemisia ; 1593–c. 1654. – “Suzanne et le vieillards”. 1610, Huile sur toile, 170 x 121 cm,
Pommersfelden, Kunstsammlungen Graf von Schönborn
Crédit : akg-images / MPortfolio / Electa Artemisia Gentileschi

Très tôt, comme son contemporain Ribeira, Artemisia intègre l’influence de Caravage, naturaliste de la vérité directe, le clair-obscur, la représentation du réel, la férocité. Si son père adoptait un caravagisme clair, graphique, une esthétique harmonieuse et poétique, Artemisia se distingue par une approche plus brute, violente, où la force des personnages féminins, souvent liées à des scènes de violence extrême, devient une signature. Ses tableaux, comme Judith décapitant Holopherne ou David avec la tête de Goliath, sont des représentations intenses, où l’horreur et la puissance émotionnelle se mêlent, reflet d’une vie marquée par la tragédie.

Le viol qu’elle subit en 1611, suivi d’un procès humiliant, marque son art. La violence et la revanche de ses héroïnes sur les hommes semblent parfois un écho de sa propre souffrance. Pourtant, ce ne sont pas les choix de ses sujets qui la définissent, mais la manière dont elle les traite, avec une intensité personnelle.

Artemisia devient une star de la peinture de son époque, elle connait une gloire internationale de son vivant, travaillant pour les plus grands mécènes d’Europe, et vendant ses œuvres à des prix souvent plus élevés que nombre de ses confrères masculins.

Artemisia Gentileschi, Judith et sa servante, v. 1615, Huile sur toile, 114 x 93,5 cm, Florence, Gallerie degli Uffizi, Galleria Palatina, crédit : Su concessionne del Ministera della Cultura