Peter Rauhofer « Parfois, je sens que je possède le dance floor »

En hommage à DJ Peter Rauhofer, décédé hier, je reproduis ici le texte d’une interview que j’ai réalisée en 2004.

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Nous lui devons les meilleurs remixes des chansons de Madonna et Christina Aguilera. Peter Rauhofer, l’une des stars de la scène new-yorkaise est résident du Roxy. Alternant house sombre minimaliste et remixes de tubes house de la fin des années 80 ou de la madone, il met le feu au dance floor.

Comment as-tu découvert la house music ?

Je suis né à Vienne en Autriche. La première fois que je suis allé à New York en 1987, je me suis rendu au Bassline où mixait Junior Vasquez, puis au Sound Factory. C’était des lieux très underground.

Comment as-tu débuté comme DJ ?

Dans les années 80 je travaillais dans une boutique de disques Import à Vienne. Je passais des disques pour les clients. Le propriétaire du magasin était un DJ connu de Vienne. Il est tombé malade et m’a demandé de le remplacer à une soirée. J’y suis allé et les organisateurs ont tellement aimé ma musique qu’ils m’ont embauché. J’ai eu de la chance.

Et comment es-tu arrivé à New York ?

Quand je suis arrivé à New York, j’étais déjà un peu connu grâce à mes remixes. Comme je venais d’Europe, j’étais exotique. Ça m’a aidé.

Parmi les disques que tu vas passer ce soir, quels sont tes préférés ?

Difficile de répondre à cette question, car je ne sais pas quels disques je vais passer. Probablement quelque chose de Madonna, quelque chose de nouveau, par exemple Mother and Father. Mon remix n’est pas fini, mais je pourrais en passer un extrait. Sinon, je ne sais pas.

Alors comment vas-tu décider ce que tu vas passer ?

C’est la foule qui va me motiver. Je vais d’abord voir ce que les gens aiment.

Que ressens-tu quand tu es aux platines ?

Le pouvoir. Non… En fait, parfois lors de soirées il y a un moment où tu sens que tu « possèdes » le dance floor, que tu peux jouer tout ce que tu veux, les clubbers vont aimer. Et ça c’est très excitant.

Quels sont tes disques préférés de tous les temps ?

C’est une question difficile. Love is the message de MFSB qui date de l’époque du voguing à New York. C’est un classique. Lil Louis Club Lonely.

Tu as réalisé des remixes de chansons de Madonna et de Christina Aguilera. Qui d’autres ?

Annie Lennox, Jennyfer Lopez, Cher, Everything but the girl, Whitney Houston, Dépêche mode, Janet Jackson.

Tu rencontres les artistes à chaque fois ?

Non, je suis contacté par les maisons de disque. Madonna par exemple veut avoir le contrôle sur tous les remixes. D’autres artistes ne s’y intéressent pas car par contrat leur maison de disque peut faire ce qu’elle veut. Certains m’appellent ou m’envoient un e-mail pour me dire qu’ils ont aimé le remix. Mais je ne les rencontre pas ou juste très brièvement.

Quels commentaires fait Madonna ?

Je crois qu’elle apprécie car j’en suis à 6 ou 7 remixes. Je l’ai croisée quelques fois, mais juste pour 5 minutes.

Qui rêves-tu de rencontrer ?

J’aimerais travailler avec Grace Jones, Sade, Chaka Khan.

Tu vois des différences entre les différents soirées où tu mixes ?

A New York, les meilleures sont toujours les soirées mixtes. Les soirées hétéros sont horribles parce que les mecs hétéros ne sortent que pour chopper une fille. Et les clubs sont spécialisés, ils ne passent que de la Trans, Disco, Tribal ou Dark sound… C’est difficile car ils n’aiment qu’un style de musique. Les gays aussi sortent pour draguer, mais pas seulement. Ils s’intéressent à la musique, prêtent plus d’attention à ce que je joue.

Tu penses que les choses ont changé en boite ?

Elles changent car les drogues changent tout le temps. Et l’ambiance la nuit est différente d’une ville à l’autre, car les gens ne prennent pas les mêmes drogues. A New York, tout le monde prend du Tina (ndlr : nom de code pour le chrystal), une sorte de speed. Alors ils sont tout fou comme des poulets décapités. La musique est à leur image. A Ibiza, on prend de l’ecstasy. La musique doit être mélodieuse. La drogue décide quelle musique les DJ jouent. Dans les années 90 à New York, tout le monde prenait du Special K, alors la house était très profonde et sombre. La drogue est un vrai problème. On est forcé de la prendre en compte. Les gens deviennent tellement accros, c’est dingue.

As-tu déjà joué à Paris ?

Oui, à la Scream organisée par David Guetta en 2001, à la Loco pour la gay Pride en 1999 et aux Bains. Entre temps la musique a totalement changé ici. A l’époque, les clubbers n’aimaient que la tech house. Aujourd’hui, différents styles sont appréciés.